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     Partis de Caen le 21 novembre à 16 heures nous sommes arrivés à Illiers-Combray à 19h15, 153 km à vol d'oiseau mais plus de trois heures de route ! Il est vrai que n'aimant pas voyager en automobile et donc toujours pressé d'en finir, j'ai la fâcheuse manie de prendre des raccourcis qui rallongent ... Enfin nous y sommes, pour une troisième visite. 

C'est en 1971, pour le centenaire de la naissance de Marcel PROUST, que la ville d'Illiers a souhaité être rebaptisée Illiers-Combray, probablement dans l'espoir d'acquérir une notoriété au moins médiatique qu'elle ne mérite plus eu égard à l'incompréhensible indifférence dans laquelle elle tient aujourd'hui l'illustre écrivain. 

Sur l'ancienne carte postale ci-dessous, on aperçoit, au fond et formant un angle avec un magasin de "Tourteaux et engrais", l'Hôtel de l'Image tel que Marcel Proust enfant l'a connu.

 


   Le voici un peu plus tard :

                                    

Et aujourd'hui :

        
   Remarquons que la mansarde tout en bois du magasin " Tourteaux et engrais " - aujourd'hui magasin "Casino"- a été parfaitement conservée dans son état d'origine. 

Par la fenêtre de notre chambre je photographie la place de l'Eglise (ci-dessous) où on aperçoit au fond, quatrième toit à partir de la gauche (flèche) la maison (et la boutique) des grands-parents paternels de Marcel, paternels de Marcel :
 

 

qu'on aperçoit aussi sur cette carte postale ancienne (ci-dessous) mais avec trois mansardes (cinquième maison à partir de la gauche puisque sur cette photographie il y en a une de plus).

          

C'est ici, 11 Place du Marché, que Louis et Virginie Proust faisaient commerce d'épices, sucre, fil, sabots et chandelles de suif. Dans l'arrière-boutique, Louis fabriquait des cierges pour les dévots de la paroisse (Source : George Duncan Painter  "Marcel Proust"). Né en 1871, Marcel Proust n'a pas connu ce magasin en tant que propriété de ses grands-parents puisque sa grand-mère, veuve depuis 1855, en a arrêté l'exploitation en 1866 :

 " Elle se retira dans un appartement situé, quelques portes plus loin, au-dessus d'une boutique, au numéro 6 ; et là, dans la pièce du devant, avec ses carpettes de sparterie et ses rideaux de calicot, elle se tint assise pendant vingt-trois ans, regardant la place du Marché au-dessous et l'église en face" (Painter).

Ci-dessous, Virginie Proust et ses deux petits-enfants, Marcel à droite et Robert à gauche (peut-être fin 1876). Les deux enfants portent chapeau et jupe comme le voulait alors la tradition qui imposait ces vêtements aux garçons jusqu'à leur sixième anniversaire. La guerre de 14-18 a modifié la société de fond en comble et balayé cette tradition.  

                                         Illiers---Grand-m-re.jpg
   
Dans "Jean Santeuil" Marcel Proust fera en vingt lignes un peu hâtives une description néanmoins synthétique et géniale d'Illiers qu'il rebaptisera "Eteuilles", description dans laquelle transparaît déjà ce qui fera la caractéristique de son écriture, phrases longues et incrustées d'incidentes, goût de l'introspection et finesse de l'analyse :


"Cette petite ville d'Eteuilles aux petites rues portant des noms de saints, rue Saint-Hilaire, rue du Saint-Esprit (c'était rue du Saint-Esprit    qu'on demeurait, et cela faisait même à Jean un drôle d'effet que leur maison fût une adresse, que leur maison, la maison du docteur en face et, à côté, continuant la rangée, le vitrage de l'épicier, cela fût la rue du Saint-Esprit, et que leur maison eût un numéro, car 5, rue du Saint-Esprit cela a l'air de quelque chose d'en dehors de soi qu'on désigne, et non de sa propre maison qui, vue ainsi du dehors, nous fait un effet d'étrangère ; le papetier était rue de l'Oiseau et pour aller à la Place on prenait la rue Saint-Hilaire) et qu'en effet dominait l'église, traversaient les processions, pavoisaient les reposoirs, habitaient ici le curé, là le sacristain, là les soeurs, remplissait le bruit des cloches, animaient, le jour de grand-messe, la file des personnes allant à la messe et l'odeur des gâteaux préparés pour le déjeuner qui la suivait, mais des noms de saints un peu sombres, un peu tristes, et en effet elle était froide et pas très claire, les nuits y étaient longues, les ieilles gens s'y plaignaient de maladies, beaucoup de jeunes y étaient chétifs, le visage de tons graves et le parler lent, le prêtre était souvent appelé pour des mourants et les cloches sonnaient souvent pour les morts. Et aussi des rues qui portaient des noms de choses usuelles et naturelles, rue de l'Oiseau, rue du Plat-à-barbe, car il y avait aussi dans cette ville des couteaux, des pigeons, du vent, des maréchaux-ferrants ..."

Hier en début d'après-midi, sur la place de l'église, nous avons bien failli être emportés par le vent qui soufflait en bourrasques rageuses, le ciel était sombre et tourmenté, les rues vides et tristes et le froid nous a vite ramenés à l'intérieur, non sans avoir eu d'abord la surprise de découvrir, sur la porte d'un magasin d'articles pour dames, notre ami Marcel bien entouré ... 

Ce Marcel quand même, quel cachottier !
 

Illiers---slooghi.jpg

 23 novembre 2009

-o-O-o-

 

Hôtel de l'Image :
Au centre du centre, impossible d'être plus près de tout ce qui fait l'univers combraysien de la Recherche. à quelques pas de la maison de Tante Léonie (Musée Marcel Proust), du Pré Catelan, du Loir (la Vivonne de la Recherche), de la tour du Château, de l'église Saint-Jacques évidemment, de la maison natale d'Adrien Proust, du chemin des aubépines, de Roussainville, etc.

 

 

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