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Droits de reproduction des articles et propriété intellectuelle :

" Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l'adaptation ou la transformation, l'arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque."
(Article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle).


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Etant le fruit de mes recherches, les informations qui suivent sont placées sous la protection de l'article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle, rappelé ci-dessus.  Néanmoins,  j'autorise quiconque à en faire usage à qui il semblera qu'il est de son devoir de les faire connaître, c'est-à-dire, j'espère, le plus grand nombre, mais à la condition formelle que la source en soit explicitement et complètement indiquée. 

A ma connaissance un seul ouvrage de l'immense bibliographie proustienne évoque (en cinq lignes, page 73) ces terribles événements, il s'agit du très intéressant volume "Marcel Proust et les siens" (suivi des souvenirs de Suzy Mante-Proust) de Claude Francis et Fernande Gontier (Librairie Plon - 1981). Cinq lignes, c'est bien peu !

Cette regrettable "discrétion" est un des effets du culte excessif que nous rendons à la littérature et qui souvent grandit démesurément les écrivains au détriment de leur proches. 

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Marcel PROUST a bien connu sa cousine Adèle, même si, alors qu'il était déjà jeune homme, elle n'était encore qu'un bébé. Dans une lettre datée du 17 août 1892, qu'il reçoit lors de son séjour chez les Baignères aux Frémonts à Trouville, sa mère y fait allusion alors qu'elle-même séjourne dans la "villa" de son oncle Louis à Auteuil, 96 rue La Fontaine.


" Loup. Il y a 34° de chaleur. J'ouvre toute la nuit. Je clos tout le jour - Je me dévêts de la façon la plus audacieuse et je reste quand même écrasée. (......) Ce matin, j'étais encore dans mes "petites ablutions" quand a débusqué (1) la tante (Amélie Weil, femme de son frère Georges), alerte et pimpante, arrivant mettre ici en sûreté sa fille à l'abri de la grande chaleur ".  

Comme beaucoup de Parisiens aisés de cette époque, les Proust et les Weil fuient les grosses chaleurs estivales en se réfugiant à Auteuil, quartier de Paris à part entière depuis 1861 et qui a conservé le charme d'une petite commune rurale que rafraîchissent encore les épaisses frondaisons de centaines de tilleuls. Adèle est née le 3 mars 1892 et n'a donc que six mois quand Marcel, qui vient d'avoir vingt et un ans, lit ces lignes. 

Le 23 août 1906, alors qu'il n'a que 59 ans, Georges Weil, père d'Adèle, meurt d'urémie. Bien que Marcel Proust lui soit très attaché, une sévère crise d'asthme l'empêche d'assister à ses obsèques et il en est très contrarié car Georges Weil l'a moralement beaucoup soutenu lors du décès de sa mère l'année précédente. Adèle est donc orpheline à quatorze ans et Marcel, en souvenir de l'attachement qu'il portait à son père et pour se faire pardonner de n'avoir pu assister à ses obsèques, décide de lui faire un beau cadeau. Comme son père, juriste de haut niveau, historien spécialiste des institutions anglaises, représentant la France en 1889 à la conférence internationale de Washington sur le droit maritime, Adèle parle déjà excellement l'anglais. Marcel Proust charge donc son ami Reynaldo Hahn de lui trouver une édition complète des oeuvres de Walter Scott en anglais et lui écrit :

L'édition de Walter Scott est-elle illustrée ? Si oui, c'est parfait. Si non, cela ira 
tout de même. Donc voulez-vous faire envoyer, au plus vite, douze volumes de l'édition à Mlle Weil, 22 Place Malesherbes, Paris, de ma part et me faire envoyer la note, à moi ". 

Adèle WEIL se mariera le 27 mars 1920 à Jules-Maxime Weil né le 15 septembre 1877 à Barr, en Alsace. De cette union Annette, leur unique enfant, naîtra le 8 janvier 1921. Elle sera donc la petite-cousine de Marcel Proust.

En juin 1940, les Allemands étant aux portes de Paris, les Weil décident de partir vers le sud-ouest et s'installent "provisoirement" à Toulouse dans des conditions de logement très précaires.

Le 4 juillet 1944, vers 15 heures, Adèle Weil et son amie Mlle Cahen-Alexandre avec qui elle fait des courses, sont arrêtées rue Esquirol par deux hommes de la Gestapo pour un contrôle d'identité. Malgré les exhortations de ses proches, Adèle a toujours refusé de changer de nom et sur sa carte d'identité, tamponnée de la mention " Juif ", figurent donc un patronyme et un nom marital identiques : WEIL. Elle et son amie sont immédiatement arrêtées et transférées à la caserne Cafarelli, devenue prison, où les rejoindront rapidement Jules-Maxime et Annette eux aussi arrêtés   quelques heures plus tard également par deux hommes de la Gestapo (un belge et un français)                                                                        à leur domicile, 29 rue Campaigno.                                                                                                             
Tous trois, et aussi Mlle Cahen-Alexandre, seront déportés dans le convoi 81 (1.600 personnes) le 30 juillet 1944 vers Buchenwald où ils arriveront le 5 août et où Jules-Maxime meurt d'épuisement le 30 novembre, à l'âge de 67 ans (le camp fut libéré le 11 avril 1945 mais des exécutions  y eurent encore lieu le 9 avril à 22 heures : 14 hommes et une femme y furent pendus).

Adèle, sa fille Annette et Mlle Cahen-Alexandre continueront ce sinistre périple jusqu'à Ravensbrück où Adèle mourra de dysenterie et d'épuisement le 5 décembre 1944, Mlle Cahen-Alexandre y mourant aussi dans des conditions probablement identiques. Adèle avait 52 ans.

Quant à Annette, petite-cousine de Marcel Proust, matricule 191394, qui n'a que 23 ans lors de son arrestation en 1944, elle sera, lors d'une tractation, "remise" par les nazis, avec quelques centaines de femmes françaises juives, à la Croix Rouge suédoise quelques semaines avant la libération du camp par l'Armée Rouge les  29 et 30 avril 1945.

 

          FEMALE~1 

     Ravensbrück, avril 1945.
   "Remise" par les SS d'un groupe de déportées à la Croix Rouge
     suédoise. Peut-être Annette figure-t-elle sur cette photo, qui sait ?
  

      Transférée en Suède pour y être soignée, Annette reviendra rapidement en France o
ù, le 12 mars 1948, elle épousera Claude Heumann, futur conseiller d'état.

            En juin 2005 Annette HEUMANN vivait à Paris d'où elle m'adressa un petit fascicule de 22 pages, d'une bouleversante sobriété, qu'elle avait rédigé en 1997 à la demande de ses proches et intitulé simplement : " Déportée ".

Elle s'est paisiblement éteinte le 14 avril 2020, à Saint-Maurice (94), et je veux lui redire ici, à titre posthume, tout mon respect et ma profonde affection.

(1) "débusqué" : Très cultivée, Madame Proust ne pouvait ignorer la signification de 
ce mot du vocabulaire de la chasse et qui ne convient pas au contexte. Une erreur de lecture ou de transcription est probable et il faut sans doute lire, en ne changeant que deux lettres, "débarqué". 


Pierre HENRY

Juin 2008 et mai 2020

Je remercie :
-  le Comité International de la Croix Rouge, à Genève, en la personne 
de Mme Marija Fueg qui m'a fourni les premiers renseignements nécessaires à ma recherche.

- Mme Diane Afoumado, historienne du Centre de Documentation Juive Contemporaine.

- la Direction de la mémoire, du patrimoine et des archives du Ministère de la Défense.

- Mme Evelyne Bloch-Dano dont la note n°97, page 350 de son livre
 " Madame Proust "  m'a permis de retrouver Mme Annette  Heumann 
et de correspondre avec elle.


 N.B : Olga Seligman, nièce chérie de Reynaldo Hahn (fidèle ami de Marcel Proust)

mourut également en déportation.

 

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